Chapitre 2. Le naturaliste-explorateur : une espèce en voie d’extinction ?
Naturaliste (n) : Personne qui se livre à l’étude des plantes, des minéraux, des animaux (Le Petit Larousse, 1999)
Explorateur, trice (n) : 1. Personne qui fait un voyage de découverte dans un pays lointain, une région inconnue 2. Personne qui se livre à des recherches dans un domaine particulier
Parmi les grands naturalistes-explorateurs et voyageurs ayant marqué leur époque et qui m'ont à la fois impressionné et inspiré figurent l'allemand F. W. H. Alexander von HUMBOLD (1769-1859) parti explorer les montagnes de l'Amérique du Sud et naviguer sur le fleuve Amazone avec le français Aimé Jacques BONPLAND entre 1799 et 1802 (un compagnon de route dont le nom ne peut que porter bonne fortune !), fondateur de la biogéographie, qui a merveilleusement bien décrit l'étagement de la végétation dans les montagnes andines (dans un ouvrage magnifiquement illustré en couleur que j'ai pu consulter à la bibliothèque du Muséum national d’Histoire naturelle l’ouvrage lors de mes recherches de thèse de doctorat en 1991-94 sur l’origine et la répartition des plantes du genre Miconia en Amérique tropicale).
Figure 1. Alexander VON HUMBOLD
Figure 2. Etagement de la végétation dans les Andes
L'anglais Charles DARWIN (1809-1882) et sa célèbre théorie de l'évolution inspirée en partie de son voyage aux îles Galapagos sur le navire "Beagle", mais qui a également séjourné à Tahiti entre le 15 et le 25 novembre 1835 où il a prospecté la vallée de la Tuauru et a été impressionné par le relief accidenté des montagnes tahitiennes qu’il compare même à celles des Andes... mais aussi par l'invasion du goyavier commun Psidium guajava introduit une vingtaine d'année plus tôt. L'ancien frère-missionnaire Pierre POIVRE (les botanistes portent parfois des noms prédestinés) fondateur du Jardin de Pamplemousse à l'île Maurice (autrefois appelée "Ile de France"), le plus ancien jardin botanique tropical au monde, et son ami le botaniste-explorateur Philibert COMMERSON (1727-1773) qui meurt épuisé de ses voyages et dont l'herbier contenant les échantillons collectés à Tahiti en 1768 lors du voyage de Louis-Antoine de BOUGAINVILLE (COMMERSON voyageait avec sa compagne Jeanne BARRET qui se faisait passer pour son assistant sous le nom de Jean BARE et qui a été démasquée par les Tahitiens, elle sera la première femme a avoir fait un tour du monde !) a disparu dans un naufrage. J'ai un faible pour l'écossais Sydney PARKINSON (1745-1771), le jeune artiste-peintre et dessinateur embarqué à bord du navire "Endeavour" du capitaine James COOK lors de son premier voyage autour du monde et ayant abordé Tahiti en avril 1769 (il décède tragiquement en mer en 1771 de fièvre et de dysenterie à l'âge de 26 ans, http://www.plantexplorers.com/explorers/botanical-artists/sydney-parkinson.htm). PARKINSON est également un observateur curieux de tout, un appprenti naturaliste et ethnologue. Pendant que les botanistes Daniel SOLANDER et Joseph BANKS collectent des spécimens, il est le premier a répertorier et transcrire une centaine de mots tahitiens dont les noms des plantes. Le dernier grand naturaliste français fut Théodore MONOD (1902-2000), géologue, zoologue, et botaniste spécialisé dans la flore du désert du Sahara...et humaniste et fervent croyant. Les naturalistes-explorateurs sont-ils une variété de missionnaires ? La botanique est en effet plus qu'une vocation, on rentre en botanique comme on rentre dans la religion (« La botanique est une maîtresse exigeante » selon Jacques F.).
Figure 3. Théodore MONOD "le méhariste"
Les expéditions du "Radeau des Cimes" sur la canopée des forêts tropicales organisées par le professeur Francis HALLE m’ont incité à aller m'inscrire en 1991 à son DEA de Botanique tropicale à l’Institut de botanique de Montpellier… en vain, car je n'avais pas encore de sujet de stage (ni de laboratoire d'accueil et de responsable de stage) à lui proposer ! Cet échec m’a permis d’élargir mon champ d’intérêt et de compétences en intégrant la formation doctorale "Sciences de l'Evolution et Ecologie" de l'Université de Montpellier dirigé par le regretté professeur Louis THALER (1930-2002), auteur d’un article de référence sur « le nanisme et gigantisme insulaires » en 1973, et de rencontrer au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive du CNRS à Montpellier les premiers « biologistes de la conservation » travaillant en milieu insulaire (comme John D. THOMPSON et Jean-Louis MARTIN, ou Dominique STRASBERG, actuellement professeur à l'Université de La Réunion et Chistophe THEBAUD, actuellement professeur à l'Université de Toulouse), me familiarisant avec les théories de l’évolution et la génétique des populations avec mon directeur de thèse Finn KJELLBERG, grand spécialiste des figuiers et de leur co-évolution avec des insectes pollinisateurs.
JYM