31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 10:10

Jean RAYNAL (1973)

"J'ai le souvenir d'un géant : il était grand, barbe, cheveux assez longs, un peu grande gueule mais d'une extrême gentillesse.  J'étais très impressionné par ce puit de science" écrivait de lui l'ornithologue Jean-Claude THIBAULT qui l'avait rencontré en juin 1973 au Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l'Environnement (CRIOBE) sur l'île de Mo'orea, antenne de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes.

 

Jean RAYNAL, alors Maître de conférences et sous-directeur au Laboratoire de Phanérogamie du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) de Paris et botaniste de renommée nationale et internationale (spécialiste des Cypérales et des Joncales, il écrit notamment deux chapitres sur ces ordres dans les volumes 5 et 9 de l'édition française de "Encyclopaedia Universalis" publiée en 1968) avait 40 ans et revenait tout juste d'une expédition en Nouvelle-Guinée occidentale (anciennement Irian Jaya). Lors des deux mois qu'il passa dans les îles de la Société (du 1er juin au 1er août 1973), après "un premier et bref contact avec la flore polynésienne au cours d'un séjour d'une semaine en octobre 1971" à Tahiti durant lequel il avait prospecté le mont Aora'i (2066 m), il séjournera une semaine (6-11 juin) à Maupiti en compagnie du linguiste Yves LEMAÎTRE de l'ORSTOM (aujourd'hui IRD), passera trois jours sur l'atoll de Tetiaroa (27-29 juin), explorera le mont Rotui (899 m) et tentera l'ascension du mont Tohi'ea (1207 m) sur Mo'orea, escaladera le mont Orohena (2241 m) les 10-12 juillet (avec comme guide un certain C. CASTAGNOLI) et prospectera le massif du Marau et la presqu'île de Taiarapu à Tahiti (19-25 juillet), en collectant un total de 481 échantillons de plantes, spécimens d'herbier déposés au MNHN.

Son rapport dactylographié de 12 pages intitulé "Mission botanique en Polynésie française" et daté du 15 septembre  1973,  transmis au Gouverneur et au Service de l'Economie Rurale (à son chef Robert MILLAUD et à l'ingénieur des travaux des eaux et forêts Gilbert SOROQUERE) mais jamais diffusé plus largement, est un témoignage précieux sur la flore des sites prospectés et montre que Jean RAYNAL était à la fois un grand scientifique et naturaliste, mais aussi un visionnaire et un précurseur de la protection de la nature en Polynésie française : prévention et lutte contre le miconia (Miconia calvescens), proposition de protection de certains "motus" de Tetiaroa et de classement du mont Marau et du Te Pari.

Il laisse également un article scientifique décrivant la lobéliacée Sclerotheca jayorum, dédiée à ses guides Maurice et Henri JAY, publié en 1976 dans le "Bulletin de la Société Géologique de France" et un paragraphe sur la flore des îles de la Société et l'invasion du miconia dans les forêts de montagne à Tahiti dans un court chapitre de deux pages intitulé "Three Examples of Endangered Nature in the Pacific Ocean" publié dans l'ouvrage "Systematic Botany, Plant Utilisation and Biosphere Conservation" (édité par Inga HEDBERG de l'Université d'Uppsala en Suède) en 1979 ; enfin, sa liste de plantes collectées à Maupiti a été reprise par la botaniste Marie-Hélène SACHET du Smithsonian Institution de Washington (qui a déterminé la majorité des espèces) et Yves LEMAITRE (qui a recensé les noms vernaculaires polynésiens) dans le "Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes" en 1983.

Jean RAYNAL a tragiquement disparu le 19 octobre 1979, à l'âge de 45 ans, dans un accident de voiture sur le terrain au Niger, en Afrique, son terrain d'étude favori (Gabon, Rwanda, Sénégal, Tchad)...

 

Guy MONDON (1978-79)

"Je suis resté 14 mois au "Service de l'Economie Rurale" [actuel Service du Développement Rural dépendant du ministère de l'Agriculture] comme VAT [Volontaire à l'Aide Technique, service civil], fraîchement diplômé en "écologie" [...] puis pédologie de l'agro, avec comme mission essentielle de m'occuper du mont Marau où la piste du relai venait d'être ouverte par les Jay, père et fils, et où Raynal venait de découvrir/décrire le Sclerotheca jayorum à l'occasion d'une escale de 24 h, guidé par le fils Jay qui avait été intrigué par cette grande plante (le specimen en bord de route faisait dans les 3 m, de mémoire), qu'il n'avait jamais vue ailleurs dans ses crapahutages de chasseur sur l'île. D'où l'idée de créer un Parc Naturel".

couverture guide marau mondonTahiti-Marau-30 mai 2006-Sclerotheca jayorum fleur (JYM)

 

 

 

 

 

 

 

"Le Falcata, on le doit sans doute à G. S., ingénieur forestier pendant des années...Il faisait planter à l'étage collinéen déboisé essentiellement du Pin des Caraïbes, mais aussi du Falcata et je me rappelle à présent les Cryptomeria japonica qu'il avait fait planter en alignement le long de la piste du Marau, quelques mois avant mon passage (dans mon souvenir, ils étaient encore à peine de hauteur d'homme), du bas de la piste jusqu'au moins à la grande épingle à gauche dans le centre de laquelle se trouvait le grand pied de Sclerotheca jayorum".

Tahiti-Marau-9 janvier 2007-Cryptomeria japonica dense

"en 79, dans la vallée de la Vaihiria, j'avais été alerté par quelques stations d'une plante déterminée comme Miconia magnifica. De mémoire, elle n'était présente que dans quelques vallées du Sud...J'avais donc contacté par lettre à Hawaï un spécialiste américain des mélastomacées, en lui demandant s'il existait des moyens de lutte biologique contre cette plante qui nous semblait dangereusement envahissante, il m'avait répondu au bout de plusieurs semaines qu'il n'y avait vraiment aucune raison de s'inquiéter..."

{Nota-Bene : il pourrait s'agir de John J. WURDACK, conservateur de l'herbier du département de botanique du National Museum of Natural History du Smithsonian Institution à Washington qui a répondu à A. CHOHIN de la Section des Eaux et Forêts du S.E.R. dans une lettre datée du 20 août 1979 en écrivant "Miconia magnifica is probably self-fertile and reproduces only from seeds. It requires high humidity and more-or-less acid soil. The species is naturalized only to a limited extent in Jamaica and has become naturalized in the Kandy district of Sri Lanka (Ceylon) but is not a serious pest" (le botaniste Raymond F. FOSBERG du Smithsonian Institution avait néanmoins noté l'invasion du miconia sur le plateau de Taravao à Tahiti en 1974) et en indiquant que l'entomologiste Robert BURKHART du départment de l'agriculture de Hawaii avait été envoyé en 1979 en Amérique tropicale à la recherche d'ennemis naturels de Clidemia hirta, une autre Mélastomatacée envahissante dans les îles Hawai'i}

Temehani-Rahi-avril-2009-Apetahia-raiateensis-fleur--RT-.jpg"Ou encore j'ai commis un rapport sur une endémique de Raïatea dont le nom m'échappe (Tiare apetahi, ça se peut ?), ma contribution scientifique essentielle étant d'observer que si la fleur s'ouvrait en quelques secondes, c'était sans bruit, contrairement à la jolie légende locale..." 

 

 

Bernard ROUX (1994-97)

"Mon métier était la police : quand j'ai vécu à Tahiti, j'étais directeur de la Sécurité Publique avenue Bruat [...] J'ai écrit en 1995 pour la Société Française d'Orchidophilie un article en quatre parties qui présentait les orchidées de la Polynésie [L'Orchidophile N°125, 126, 127 et 128, www.sfo-asso.com].  A cette époque je me trouvais à Tahiti et j'avais rencontré Jacques Florence qui m'avait ouvert ses collections de l'herbier, ce qui m'a facilité le travail [...]  Je suis un amateur qui a possédé deux serres où je pouvais dans 800 m² cultiver 4400 orchidées tropicales.

orchidophile 127

A cette époque, peu d'articles parlaient des orchidées de la Polynésie : ce qui m'a frappé, en promenant au milieu des stands des mamas, c'est de voir que nombre d'orchidées faisaient partie de la pharmacopée traditionnelle. Je me suis dit, si c'est une tradition, il faudrait prouver que les Polynésiens, dans leurs voyages, avaient pu en amener avec eux ou qu'ils ont retrouvé sur place certaines de ces orchidées [...] Je voulais vous faire savoir cela : l'importance de sauvegarder les orchidées pour la culture polynésienne parce que je crois qu'elles ont joué un grand rôle dans leur voyage.

{Nota-Bene : à part les Liparis spp. (BROWN, 1931), aucune autre orchidée n'est répertoriée dans la pharmacopée traditionnelle en Polynésie française (NADEAUD, 1864 ; PETARD, 1986), et aucune n'a été apparemment introduite par les premiers migrants Polynésiens, à part peut-être la petite orchidée terrestre Nervilia aragoana trouvée en végétation anthropisée de basse altitude dans les îles hautes et certains atolls et  qui pourrait avoir été transportée de façon accidentelle comme "contaminant" dans de la terre comme de nombreuses adventices polynésiennes...}

Grammatophyllum sp.  Avec Félix Papara [chauffeur et interprète], sur le Marau, côté Est très ensoleillé, je pense au dessus de Tipaerui, à mi-hauteur car il me semble que la végétation était différente de celle trouvée en altitude, et à flanc de côteau : je n'ai pas pu l'approcher car il aurait fallu des cordes et nous étions tous les deux... âgés et pas du tout agile en escalade. Je l'ai photographié mais le film n'a pu être développé."

 

DENDROBIUM

 

Légère sous le MARAAMU

Qui caresse les branches noires,

Elle parvient à faire croire

Que le soleil levant est doux.

 

Mais dans cette île tropicale

La chaleur moite des vallées

Recouvrira bientôt l'orchidée

D'un ciel gris sans fanal.

 

Et si le vent ne durcit pas,

La fille de l'air fragile

N'aura que l'espoir futile

Du soleil rare de PAPARA.

 

Mais le voilà soudain qui arrive

Et chasse cette vapeur

Qui affaiblissait le cœur

De cette plante vive.

 

Chaque feuille prend du vert,

Soulignant les bourgeons naissants,

Qu'un jour un écolo pédant

Confondit avec les poux d'hiver.

 

Et le pou grossit, devient fleurette,

Que le Vini, tel un insecte,

Après sa fouille, sur un Aute,

Aura bientôt dépossédé

 

Du pollen innombrable

Qui sera agréable

A la fleur d'à côté.

 

Et le vent du soir qui se lève

Annoncera la relève

A toutes les orchidées.

  

Keiki …! Que ce nom est doux

Quand le soir d'hiver arrive,

Et que le soleil couchant avive

 

Les nuages du MARAAMU" 

 

TIARE

 

Fleur étrange d’une île sacrée

Tu offres au ciel ton blanc nacré

Plus pur que le flocon de neige

Et tu nous jettes le sortilège

D’une demi-main en éventail

Oh TIARE APETAHI

 

Si tu grossis, deviens complète,

A TAHITI tu fais la fête,

Dans les colliers, sur les oreilles,

Et ton parfum nous ensorcelle,

Symbole d’îles au nom magique

 

TIARE polynésien et de la cosmétique...

 

 

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